Floriane Brement

Floriane Brement

"Le fils de l'architecte" primé au salon d'Attignat !

Salut les amis !

 

Mon prochain ouvrage prend forme, j'ai déjà écrit plusieurs nouvellesl et j'ai présenté l'une d'elles au concours de nouvelles du salon d'Attignat. C'est avec une joie immense que j'ai découvert qu'elle avait été primée.

 

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La voici donc toute entière, rien que pour vous :

 

"Le fils de l’architecte

 

 

            Que des excentriques. Cette famille n’abritait que des excentriques. Voilà ce qu’ils étaient tous. Mais quand ce gamin s’était mis à vagabonder dans les rues, les habitants s’étaient dit qu’ils tenaient peut-être le bonhomme censé de la lignée. Il discutait bien le petit gars. Il parlait bien, il abordait les sages et leur posait des questions pertinentes. Bref un bon garçon. Mais un soir son père et ses inventions loufoques l’ont rattrapé. Il a cessé de sortir, il s’est enfermé dans le labyrinthe maudit avec le fou. D’aucuns disaient que c’était le roi qui les avait jetés le vieux et lui, mais c’était faux : l’architecte, fier de sa création et de l’isolement qu’elle procurait, s’y était exilé de lui-même et avait embarqué son garçon à l’intérieur. Ce dernier en ressortait de temps à autres mais il avait changé : on ne le voyait plus que pour acheter à la hâte telle ou telle matière première, réparer tel ou tel instrument.

            La rumeur courait que le gamin aidait son père dans l’élaboration d’une machine extraordinaire. Cela faisait sourire beaucoup de monde : certes, l’architecte avait conçu le plus important et le plus phénoménal labyrinthe de tous les temps mais ce n’était pas un inventeur. C’était un architecte, rien de plus, et son gosse n’était rien d’autre qu’un gosse.

            Les jours, les semaines ont passé et enfin le gamin est ressorti : les garçons et les filles de son âge ont fait foule autour de lui. Des plus jeunes puis des plus âgés intrigués par la masse qui ne faisait que croître sont accourus à leur tour pour admirer le phénomène : quatre grosses roues de bronze tirés par quatre chevaux forts et robustes… et une nacelle. Une nacelle si belle et si imposante qu’elle pouvait faire pâlir les dieux de jalousie. En bronze en grande partie, deux grandes ailes d’or étaient peintes sur ses flancs. Peintes ou soudées ? Le trompe-l’œil était d’une finesse extraordinaire. « C’est ma voiture » déclara-t-il malicieusement. Pourquoi un nom aussi étrange pour nommer un char, une invention que tous connaissaient ? Cependant, lorsqu’il lança sa « voiture » comme il disait, elle partit si vite qu’on ne le vit plus. Puis il réapparut soudainement. Non de non, le gamin battait des records de vitesses ! Les anciens comprirent ce changement de nom : ce n’était plus un char mais bel et bien une nouvelle invention : une voiture ! Tous restèrent ébahis devant cette merveille, puis le plus admiratif frappa fort dans ses mains. Il fut très vite suivi. Et la foule applaudit. Peut-être qu’être excentrique avait du bon en fin de compte. La voix grave et rauque du vieux père jaillit sèchement pour ramener son fils à l’intérieur. Aussi, tout penaud, l’éphèbe rentra-t-il. Les curieux se dispersèrent, déçus que le spectacle s’achève si brusquement. En secret, le plus effronté maudit l’architecte et sa rigidité maladive. Et la foule applaudit.

            Par chance, le lendemain, le gamin échappa à la surveillance du vieux fou et exhiba une nouvelle fois sa voiture : des améliorations avaient été apportées. Dans la nacelle, on trouvait à présent un long manche relié aux rennes des chevaux. Le jeune garçon fit une démonstration : il élança sa merveille à grande vitesse puis tira sur la commande. Les animaux cessèrent, les roues s’arrêtèrent. En somme, il avait créé un frein. Émerveillé, les curieux s’époumonaient. For de ce nouveau succès, le gamin s’élança à nouveau plus prompt que le vent, plus vif que l’éclair. Les roues ne touchaient presque plus le sol tellement cela allait vite si bien que les ailes sur les côtés semblaient s’animer, participant à la fête et l’aidant à voler. La course se poursuivit un long moment, le jeune garçon conduisant toujours plus vite, quittant toujours plus le sol dans son élan. Mais comme la veille, son vieux bougre de père finit par faire cesser le jeu, cette fois-ci de façon plus virulente que la veille. L’architecte fit descendre son gamin par la peau du cou et lui cria :

─ Je t’ai interdit de toucher à cette chose ! La voiture est trop dangereuse pour toi ! A quinze ans, on n’a pas l’âge pour cela ! Rentre tout de suite !

Au fond d’eux, les plus anciens et les plus sages savaient qu’ils avaient raison. Pourtant, ils ne surent masquer leur déception. C’est vrai quoi ? Depuis que le héros avait détruit le monstre du labyrinthe, on n’avait plus aucune distraction digne de ce nom. Mais on ne va pas à l’encontre de l’autorité paternelle. Surtout en Grèce. Aussi, tout penaud, l’adolescent rentra-t-il de nouveau.

            Plusieurs jours s’écoulèrent sans qu’on ne le revît. L’excentricité et l’autorité du père semblaient avoir fait effet. Les moins passionnés par son joyau commençaient même à l’oublier. Mais enfin, le jeune homme ressortit de sa tanière et présenta à ses admirateurs les plus zélés ses derniers ajouts : de nombreux boulons ici et là, des câbles pour accentuer la pression du manche et une voile pour se servir du vent comme accélérateur. Du grand art. Et la foule applaudit. Et comme les deux autres fois le garçon fila, et comme les deux autres fois, il allait si vite qu’il ne roulait plus mais volait. Les ailes de la nacelle avait pris vie et lui offrait la félicité d’un vol plané. Tous admiraient la voiture et ses pouvoirs. Le gamin était le maître d’un engin divin. Et cette fois encore, il battait des records. Et la foule applaudit.

            Mais cette fois, alors qu’il longeait la côte grecque et la récente mer Egée, une fillette traversa imprudemment la chaussée. Cette fois, il dut tirer fort sur le manche pour stopper le bolide. Si fort que les chevaux cabrèrent, que les câbles qui reliaient les animaux au frein cassèrent net et que toutes les autres commandes cessèrent de répondre. La voile, jugée inutile et dangereuse par son père, entraîna le véhicule désormais sans maître vers les bords de la route et précipita la nacelle dans le vide en projetant son pilote qui s’éleva dans les airs contre son gré. La foule qui s’était précipitée vers le lieu de l’accident se demandait pourquoi les ailes sur les flancs restaient immobiles cette fois-ci. Les rayons du soleil matinal firent briller le jeune homme et sa carcasse métallique une dernière fois avant que les eaux tumultueuses de la mer Egée ne les engloutissent tous les deux.

            Les plus hardis et les plus forts se jetèrent à l’eau pour sauver le jeune homme et sa création. Après de nombreux efforts, on n’en ressortit que cette dernière. Les courants avaient emporté le gamin, mort, au loin. Alors, le vieux père que personne n’avait voulu écouter arriva en courant pour réclamer son fils. Un téméraire lui raconta l’accident en ces termes :

            « Icare, poussé par ses exploits et en dépit des recommandations de Dédale, s’était envolé une dernière fois et s’était approché trop près du soleil si bien que ses ailes avaient brûlé. » Et la foule tristement applaudit."

 

(extrait protégé)

 

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11/10/2015
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